Les géants du médicament prennent en marche le train des génériques
[ 22/05/09 ]
Novartis va payer 925 millions d'euros pour acheter l'ancienne activité de médicaments génériques de BASF. Leader mondial des produits de marque, Pfizer se convertit à son tour aux génériques, en association avec des indiens.
Cap sur les médicaments génériques. Après les avoir souvent méprisés, boudés, contestés, les ténors de la pharmacie mondiale sont en train de s'intéresser de très près à ces copies de médicaments tombés dans le domaine public. Témoin Pfizer. Le leader mondial du secteur, inventeur notamment du Viagra, a longtemps tout misé sur les produits de marque, nécessitant de grosses dépenses de recherche et développement, mais assurant en retour des marges colossales. Ses dirigeants voyaient les génériques comme une menace à combattre. Mercredi, pourtant, le groupe américain a annoncé la signature de deux accords qui doivent lui permettre de devenir à son tour un champion des traitements « low cost ».
Grâce à un premier contrat passé avec Aurobindo, Pfizer va pouvoir commercialiser dans plus de 70 pays une soixantaine de génériques fabriqués par ce laboratoire indien. L'accord élargit notablement le partenariat initial annoncé en mars entre les deux groupes, qui visait les Etats-Unis et l'Europe. Pfizer a par ailleurs acheté les droits de commercialisation en Amérique du Nord, en Europe, en Australie et en Nouvelle-Zélande de 15 médicaments sous forme injectable d'un autre industriel indien, Claris.
Trois acquisitions pour Sanofi
Le numéro un mondial cherche ainsi à se constituer rapidement un portefeuille solide de génériques. Au-delà des copies de ses propres molécules, Pfizer disposera dorénavant de 128 produits dont les brevets sont échus. « Les médicaments tombés dans le domaine public représentent l'un des secteurs à la plus forte croissance sur le marché pharmaceutique mondial, et c'est particulièrement vrai dans les pays émergents », commentent ses dirigeants, bien décidés à prendre le train en marche. Une démarche voisine de celle de Sanofi-Aventis, qui vient de boucler 3 acquisitions dans les génériques, mettant la main successivement sur le tchèque Zentiva, le mexicain Kendrick et le brésilien Medley.
Novartis, de son côté, a une longueur d'avance. L'entreprise suisse a été la première, parmi les leaders des médicaments classiques, à investir lourdement dans les génériques. Résultat : sa filiale spécialisée, Sandoz, est à présent le numéro deux mondial de ce domaine tenu surtout par des spécialistes comme Teva, Mylan ou Ratiopharm. Une position que Novartis compte bien défendre. Mercredi, le groupe bâlois a annoncé l'achat, pour 925 millions d'euros, de l'activité générique de l'autrichien Ebewe Pharma. Il s'agit de l'ancienne activité de l'allemand BASF. Elle emploie environ 500 personnes, pour un chiffre d'affaires de 188 millions d'euros l'an dernier. Sa spécialité : les génériques des anticancéreux. Un marché dont l'essor est assuré, compte tenu de la chute d'ici à cinq ans des brevets américains du Taxotère et de l'Eloxatine de Sanofi-Aventis, ou encore de l'Alimta d'Eli Lilly.
Globalement, le marché mondial des génériques pesait 72 milliards de dollars en 2007, soit 10 % des ventes totales de médicaments. Une part qui devrait croître, vu le nombre de produits importants qui vont bientôt tomber dans le domaine public. « En 2015, les génériques pourraient dépasser 135 milliards de dollars de chiffre d'affaires, ce qui représenterait une croissance de 11 % par an d'ici à cette date », estiment les analystes de Credit Suisse dans une note publiée il y a quelques jours.
De quoi justifier les virages stratégiques opérés par les industriels. Faute de disposer de nouvelles molécules à même de compenser le déclin de leurs « blockbusters », nombre d'entre eux réorientent leurs investissements vers des cibles plus prometteuses comme les génériques, mais aussi les vaccins, les biotechnologies, et les pays émergents. C'est le sens des emplettes de Sanofi, mais aussi d'une partie des grandes manoeuvres lancées ces derniers mois, comme le rapprochement récent entre Roche et Genentech. Ces opérations « participent plus d'une logique de diversification que de taille », explique Claude Le Pen, consultant pour IMS Health. Les « big pharma » abandonnent ainsi leur modèle ancien pour aller vers de nouvelles terres.
DENIS COSNARD, Les Echos