(Tradingsat.com) - Après avoir regagné plus de 30% entre le 9 mars et le 8 mai, le marché parisien hésite sur la marche à suivre depuis deux semaines. L'occasion de monter dans le train pour ceux qui ne l'ont pas encore fait ? Ou bien vaut-il mieux patienter ? Quels secteurs et quelles valeurs offrent les meilleurs potentiels de hausse à ce stade ? Les réponses de Sébastien Korchia, gérant - entre autres - du fonds MAM Entreprise Familiales de Meeschaert, noté cinq étoiles par Morningstar.
Tradingsat.com : Quelle analyse faites-vous de la psychologie du marché ?
Sébastien Korchia : On l'a forcé à penser positivement. Le G20 a marqué un tournant à grands renforts d'annonces fracassantes à coups de milliards. Tous les grands dirigeants politiques et du monde économico-financier se sont mis d'accord pour envoyer le même message positif - « il faut y croire, croyez-nous et vous verrez » - à tel point que le FMI a mis en sourdine ses prévisions systématiquement pessimistes. C'est la méthode Coué. Ce qui prouve bien, une fois encore, que les marchés sont avant toute chose dictés par la confiance. A partir de là, les investisseurs ont pris prétexte de quelques chiffres pour commencer à racheter.
Tradingsat.com : Les données macroéconomiques se sont-elles améliorées ?
Sébastien Korchia : Certaines statistiques sur l'immobilier, l'emploi ou le PIB, ont montré, non pas une inversion de tendance, mais un ralentissement de la dégradation. Cela renvoie au thème de la « dérivée seconde » : le sens est toujours négatif mais la vitesse diminue et les marchés s'en satisfont. Tout est question d'interprétation. On sait pourtant que ce n'est pas un ou deux chiffres qui vont faire une nouvelle tendance, en particulier dans l'immobilier où les cycles peuvent durer entre quatre et vingt ans… Il y a donc selon moi une deuxième explication, totalement empirique celle-là, au rebond des marchés : je constate que cela fait dix ans que mars/avril est une période de violent retournement de la tendance boursière.
Tradingsat.com : Il y a déjà un dicton qui conseille de vendre en mai…
Sébastien Korchia : Les deux sont compatibles. En 2008, après avoir connu une belle remontée en avril, le marché s'est mis à rebaisser dès la fin de la période de versement des dividendes. Le fameux « sell in may and go away » vient peut-être en partie de là. En fait, depuis 2000, de façon quasi systématique, les mois de mars et avril sont très souvent des mois où il ne fait pas bon être vendeur à découvert. A l'approche de la grande vague de distribution des dividendes, vendre un marché qui a déjà beaucoup baissé peut s'avérer très risqué. Un raisonnement encore plus vrai cette année vu la taille des coupons versés !
Tradingsat.com : Le retournement de tendance de mars/avril s'opèrerait donc toujours à la hausse.
Sébastien Korchia : En fait non. On peut aussi avoir le cas inverse, comme en 2004, et aussi un peu en 2005, où le marché a pris ses bénéfices alors que la tendance initiale était haussière. Cela fonctionne dans les deux sens, tout simplement parce qu'après plusieurs mois pendant lesquels les analystes ajustent continuellement leurs prévisions – à la baisse comme cette année, ou bien à la hausse dans un marché haussier – arrive un moment où les publications s'avèrent un tout petit peu moins mauvaises que prévu (ou respectivement un tout petit peu moins bonnes). Donc dans un marché déprimé, cela se traduit par un rebond, alors que dans un marché haussier, on observe une correction.
Tradingsat.com : Dans quel état d'esprit est aujourd'hui le marché ?
Sébastien Korchia : Depuis peu, les investisseurs font à nouveau davantage attention aux mauvais chiffres macroéconomiques. Mais le marché corrige de façon limitée. J'y vois une raison principale : une grande partie des investisseurs ont littéralement raté le rebond. Certains reviennent après avoir déserté le marché actions, alors que d'autres avaient simplement sous-pondéré les secteurs qui les effrayaient le plus, à savoir : l'automobile, les « cycliques » au sens large, et les bancaires. Si bien que nombre d'entre eux qui s'étaient, par exemple, orientés vers des obligations privées - rapportant parfois jusqu'à 8% - lorsque les marchés actions ont touché leurs plus bas, ont finalement laissé passé un rebond de 25%…
Tradingsat.com : Les flux de liquidités qui recommencent à s'investir peuvent-ils doper le marché ?
Sébastien Korchia : C'est un élément nécessaire mais pas suffisant. Je dis simplement que l'importance de la poche de cash montre bien que tous les investisseurs ne sont pas véritablement revenus sur le marché actions. Les hausses ont été provoquées jusqu'à présent par les plus audacieux, les plus « initiés ». Sans oublier l'effet des rachats de positions à découvert, qui peut expliquer à lui tout seul le rebond de 270% d'une valeur comme Dexia. A court terme, ce sont les investisseurs qui ne peuvent plus supporter d'être en dehors du marché qui prennent le relais, en rentrant sur des cycliques comme Michelin, Lafarge, Renault ou les bancaires.
Tradingsat.com : Quel scénario privilégier à présent, sur les plans macroéconomique et boursier ?
Sébastien Korchia : C'est un énorme point d'interrogation. Il y a vraiment deux camps : ceux qui disent que l'on a touché le point bas et que l'on va repartir, et ceux, plus pessimistes, qui voient surtout que les données macroéconomiques restent mauvaises, même si leur dégradation ralentit. C'est un non-débat qui va durer encore de longues semaines, voire de longs mois. De la même façon, par symétrie, qu'en 2007 le marché avait mis un an pour débattre et finalement mettre un terme à la tendance haussière qui durait depuis 2003. Si aujourd'hui, le scénario d'une reprise en « V », le plus optimiste, semble exclu, il va falloir beaucoup de temps pour savoir si cette reprise prend la forme d'un « U », d'un « L », ou d'un « W ». Il y a fort à parier que les mois qui vont suivre verront une alternance de hausses et de baisses ou le marché verra le verre tantôt à moitié plein, tantôt à moitié vide, pour finalement aboutir à une redistribution des cartes. Il y aura donc de multiples possibilités de rentrer.
Tradingsat.com : Que dit l'analyse technique ?
Sébastien Korchia : Elle est perturbée. On connaît certes la zone support qui correspond au dernier point bas, vers 2400 pts, et la zone de résistance, qui s'établit autour de 3300 pts. L'analyse technique indique simplement que nous sommes toujours en tendance baissière, mais elle ne donne aucun message clair sur la tendance à très court terme, au même titre d'ailleurs que les fondamentaux. On se situe en haut du canal baissier qui peut être franchi à tout moment… ou pas. Là aussi il y a débat.
Tradingsat.com : Quelles valeurs privilégier dans ce contexte : les bancaires, les cycliques, les défensives… ?
Sébastien Korchia : Au stade où l'on en est de l'anticipation de la reprise, on peut penser que les bancaires sont dans leur zone de prix et que leur potentiel de hausse est extrêmement limité. Tout achat ne peut se concevoir qu'en baisse. Quant aux cycliques, le thème est très large. Mais que ce soit la construction, avec par exemple Lafarge, ou les matériaux de construction ou encore la chimie, je pense qu'il est un petit peu tard pour se positionner. Pour l'automobile, qui a beaucoup progressé en l'absence de véritable redémarrage, on se situe même plutôt dans des zones de prises de bénéfices. Dans l'univers cyclique, ce sont les pétrolières qui constituent à mon avis le meilleur couple rendement/risque. Enfin, si les défensives sont les grandes perdantes du rebond, je m'attends à ce qu'elles prennent leur revanche à un moment ou à un autre. Tout doucement, le marché commence d'ailleurs à revenir sur des valeurs comme Danone, Essilor ou Pernod.
Tradingsat.com : Et le secteur de la santé ?
Sébastien Korchia : Il regroupe un tas de situations différentes. J'apprécie un groupe pharmaceutique comme Novartis, pour la richesse de son pipeline et la diversification de ses activités. Je m'intéresse aussi aux biotechnologies, un secteur pourtant considéré comme risqué par définition. Mais les investisseurs ont finalement trouvé une sorte de visibilité dans les programmes de recherches de sociétés ayant deux à trois ans de cash devant elles. Parallèlement, les chances de voir leurs recherches aboutir augmentent année après année, avec de nombreux programmes qui arrivent en phase clinique II et III.
Tradingsat.com : Le fonds MAM Entreprises familiales a acheté des actions ExonHit Therapeutics en avril...
Sébastien Korchia : Dans les biotechnologies, il faut toujours jouer plusieurs valeurs pour limiter son exposition, à l'échec, toujours possible, d'un produit. Le fonds a surtout une belle position en Transgène, alors qu'Exonhit est davantage un achat d'appoint destiné à jouer des annonces favorables en vue de la commercialisation d'un diagnostic de dépistage de la maladie d'Alzheimer. Si le test en question s'avère une réussite, je pense que beaucoup de monde va redécouvrir le dossier…
Tradingsat.com : Avez-vous des convictions fortes de valeurs à acheter sur le marché ?
Sébastien Korchia : Le contexte très mouvant se prête peu aux paris forts, mais tout peut changer très vite, en fonction de la psychologie du marché. En attendant, hors valeurs familiales, je pense qu'à 17 euros et en dessous, France Télécom constitue une bonne opportunité. Total également me semble être un bon compromis en terme de visibilité et de rendement. Parmi les entreprises familiales, ceux qui croient en la reprise en Europe peuvent s'intéresser au transporteur Norbert Dentressangle. On peut aussi jouer Colas, le leader mondial des routes, pour miser sur les retombées des plans de relance. J'ai aussi deux petites valeurs jokers : Store Electronic Systems, qui est sur un créneau porteur, et l'éditeur de logiciels Infovista, qui pourrait participer au prochain mouvement de consolidation de son secteur.
Propos recueillis par François Berthon
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