BIOTECHNOLOGIES. Le trésor de guerre des grands groupes fond avec les médicaments génériques. Mais leurs capacités de recherche ne suffisent pas à remplacer la perte des «blockbusters».
Willy Boder, Hambourg
Mercredi 14 novembre 2007
«Bonne pêche!» C'est ainsi que Carolina Schropp, fondatrice de Bio-Europe, incite les quelque 2200 participants à «réseauter» lors du plus grand rassemblement européen d'entreprises de biotechnologie et pharmaceutiques. La «pêche» s'est déroulée, durant trois jours jusqu'au 14 novembre, à Hambourg, deuxième plus grand port européen de containers, à moins d'un kilomètre du marché aux poissons, inondé le week-end dernier par la tempête Tilo.
L'industrie pharmaceutique, elle aussi, prend l'eau. Le trésor de guerre des grands groupes pharmaceutiques fond avec l'arrivée sur le marché de nouveaux médicaments génériques. La perte de dizaines de brevets touche de plein fouet des groupes comme Pfizer (PFE), GlaxoSmithKline ou AstraZeneca, qui licencient. «La maison connaît un petit trou d'air», admet Jean-François Dehecq, président de la société française Sanofi-Aventis.
Le problème ne serait pas grave si ces géants pharmaceutiques étaient capables, par l'innovation, de remplacer ces «blockbusters» (médicament dont les ventes dépassent un milliard de dollars) par des nouvelles préparations. Mais ce n'est pas le cas. «Les quatre ou cinq leaders mondiaux de la pharmacie ont tous un problème de renouvellement de leur portefeuille», rappelle le président de Sanofi-Aventis, cité par le journal spécialisé Usine nouvelle.
La frénésie de recherche de bonnes idées et de nouveaux produits, à pêcher par les grands groupes dans des entreprises de biotechnologie de petite taille, explique l'affluence record (+ 17% en un an), le nombre de projets présentés (2400) et de rencontres en tête à tête programmées (8500) à Hambourg. Les entreprises de biotechnologie, parmi lesquelles les sociétés suisses Addex, Arpida, ou Lonza (LONN.VX) (LONN.VX) présentes à Hambourg, représentent l'avenir de l'industrie. «10% du chiffre d'affaires pharmaceutique provient d'entreprises de biotechnologie, 20% des médicaments sur le marché et 30 à 40% des produits en développement sont biotechnologiques», constate Emmanuel Chantelot, directeur de l'association des entreprises européennes de bio-pharmacie.
Les participants à un débat, à Bio-Europe 2007, sur les stratégies à mettre en place pour faire face à ce bouleversement divergent sur les moyens à mobiliser, mais admettent tous le problème de baisse de productivité. Certains prédisent la fin du modèle des grandes multinationales et de la recette qui consiste à fusionner pour résoudre momentanément le problème de faible productivité.
«Je suis préoccupé, explique John Maraganore, président de la société Alnylam. Les grands groupes sont trop centrés sur la distribution et la vente de médicaments, et pas assez sur la recherche.» Jan Lundberg, responsable de la recherche chez AstraZeneca, admet la critique. «Nous savons que la clé du problème consiste à conjuguer vitesse et qualité. Mais il faut voir l'avenir avec optimisme. Le besoin de nouveaux médicaments, compte tenu du vieillissement de la population, va encore s'accentuer.»
Dans cinq à dix ans, le modèle pharmaceutique aura changé, estime John Maraganore. «Les grands groupes réduiront fortement leur recherche et développement. Ils deviendront des appareils de commercialisation des médicaments issus des petites et moyennes entreprises de biotechnologie, dont la taille favorise la recherche et l'innovation.»