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 Etude clinique contrôlée, randomisée, en double aveugle

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Olivier Guyonnet(nicoxyd)
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Olivier Guyonnet(nicoxyd)


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MessageSujet: Etude clinique contrôlée, randomisée, en double aveugle   Etude clinique contrôlée, randomisée, en double aveugle Icon_minitimeMer 27 Aoû - 14:55

http://www.medicalforum.ch/pdf/pdf_f/20

Introduction

Même si vous ne participez pas directement à des études cliniques, vous y serez constamment confronté en tant que lecteur de littérature médicale. Vous y trouverez toujours l’étude dite randomisée, en double aveugle et contrôlée. Cette désignation ne se pose pas seulement en «gold standard» du développement clinique moderne de médicaments, elle va également de pair avec les meilleures connaissances en matière de médecine basée sur des preuves (evidence based).
Pourquoi l’étude randomisée, en double aveugle et contrôlée a-t-elle une si grande importance?
Et que signifient en fait «randomisée», «en double aveugle» et «contrôlée»? Cet article répondra à ces questions.

Objectivité et validité

Les études cliniques examinent expérimentalement chez des patients l’efficacité, la tolérance et la sécurité de mesures médicales. Mais une étude clinique diffère d’une expérimentation scientifique en quelques points importants:

– Du fait qu’il est unique, chaque patient réagit individuellement à une mesure médicale, aussi bien physiquement que psychiquement. En général, nul ne peut prévoir s’il répondra à un traitement ou présentera des effets indésirables. Dans une étude clinique, nous nous trouvons confrontés au problème de l’inhomogénéité des échantillons et devons compter avec des réactions et évolutions différentes des maladies d’un individu à l’autre.

– Dans les études à long terme surtout, les conditions externes ne peuvent que partiellement être standardisées. Les conditions et modes de vie, les maladies concomitantes et autres traitements différents pour chaque patient peuvent considérablement influencer le résultat d’une étude, car ce sont tous des «facteurs perturbateurs».

– Le médecin d’étude n’est pas un observateur externe non impliqué mais, étant le médecin traitant, il participe activement à l’étude et entre en interaction avec l’«unité d’observation» patient.
La manière de diriger le patient, les mesures thérapeutiques de soutien et ce qu’il transmet au patient de son attitude positive ou négative en face du traitement influencent le résultat d’une étude.

– De nombreuses mesures comportent une grande part de subjectivité. La douleur ressentie par un patient par exemple est influencée par l’idée qu’il a reçu un analgésique efficace.
Mais le médecin lui aussi, qui note les résultats de son traitement et les interprète, n’est pas à l’abri de toute subjectivité; s’il croit à l’efficacité de son traitement, cela peut avoir des répercussions sur son estimation de l’état clinique d’un patient ou sur son interprétation de certains résultats.

Comme de nombreux facteurs cités ne peuvent être éliminés, la manière de les aborder a une importance capitale. Un bon plan d’étude peut largement réduire l’influence des facteurs perturbateurs ci-dessus. La validité, et donc la valeur d’une étude clinique résident donc finalement dans le fait que seul le traitement étudié, par exemple un médicament, soit pris en compte comme explication des effets objectivés.
Pour y parvenir, une étude doit présenter la plus grande objectivité possible, ce qui signifie une validité interne élevée. Les résultats ne doivent pas être systématiquement faussés dans telle ou telle direction, par exemple par une attribution dirigée à tel ou tel traitement, une prise en charge différente ou des effets de suggestion. Une telle distorsion ou erreur systématique est également appelée «biais» [1]. Les paragraphes suivants montrent comment un biais peut être corrigé ou prévenu par l’introduction d’un groupe témoin, la randomisation et la distribution en aveugle des traitements de l’étude.


Randomisée. Contrôlée. En double aveugle. Pourquoi?

Le poids d’une étude clinique dépend dans une très large mesure de sa validité interne. Validité interne élevée signifie éviter le plus possible les erreurs (ou biais) systématiques immanents susceptibles de fausser les résultats de l’étude.

Un biais résulte notamment de l’attribution dirigée (et pas au hasard) à un groupe de traitement, d’un suivi ou d’un traitement de soutien différents pour tels ou tels patients de l’étude et d’effets de suggestion, ces derniers de la part aussi bien des patients que du médecin d’étude.

Les instruments les plus importants permettant d’éviter ces différentes formes de biais sont le contrôle, la randomisation et la distribution en aveugle des mesures médicales étudiées.

Malgré ses limites, l’étude randomisée, en double aveugle et contrôlée est la méthode la plus fiable et objective, celle dont la validité est la plus élevée car elle est le moins sujette aux biais.


Pourquoi contrôlée?

«Contrôlée» signifie que les effets d’un traitement sont comparés à ceux d’un autre traitement déjà jugé efficace ou à ceux d’un placebo. Dans le plan le plus souvent appliqué (design de groupes parallèles), deux ou plusieurs groupes de patients sont formés, dont l’un (au moins) servira de groupe témoin. Une telle manière de faire est à l’opposé des études ouvertes, des observations de cas cumulées ou même des comparaisons à d’anciennes données (comparaisons dites historiques).
Dans ces derniers types d’études, il s’est avéré que l’effet obtenu est généralement surestimé [2]. L’introduction active d’un groupe témoin est importante pour prévenir trois types de biais possibles.

Sans témoin, l’évolution naturelle d’une maladie intervient dans les résultats [3]. Si la proportion de guérisons spontanées est élevée, il sera très difficile de dire quoi que ce soit de l’efficacité d’un traitement, même si elle semble très bonne. Un exemple pourrait être l’étude d’un antibiotique dans l’otite moyenne sans complications de l’enfant, dont la tendance à la guérison spontané est élevée. Mais le témoin est également indispensable dans le cas inverse, à savoir dans une maladie évolutive. S’il n’y avait pas eu de groupe témoin sous régime seul dans l’étude britannique sur le diabète de type 2 («UKPDS»), tous les antidiabétiques étudiés se seraient révélés inefficaces, car la situation métabolique s’est détériorée progressivement sous traitement médicamenteux (mais moins que sous régime seul). Le fait que les témoins historiques ne sont eux non plus pas négligeables a été démontré dans les années 1970 et 1980 par des études ouvertes sur des antiarythmiques chez des patients ayant survécu à un infarctus du myocarde. La probabilité de survie après infarctus sous antiarythmiques, apparemment meilleure que ne le disaient des données historiques, n’exprimait pas l’efficacité des médicaments, mais résultait globalement du meilleur traitement de l’infarctus du myocarde au fil des ans. C’est l’étude «CAST» («Cardiac Arrhythmia Suppression Trial»), contrôlée contre placebo, qui a montré en 1989 que l’administration d’antiarythmiques de classe 1C était tout au contraire associée à une augmentation de deux à trois fois de la mortalité.

«Regression to the mean»: il s’agit en l’occurrence d’un phénomène statistique survenant lorsque les patients ne sont pas sélectionnés au hasard, mais selon des valeurs extrêmement augmentées ou abaissées [4]. Ce qui est souvent le cas lorsque des patients gravement malades sont recrutés pour étudier un nouveau traitement. Les exemples sont des valeurs élevées de tension artérielle ou de cholestérol au départ, des symptômes allergiques ou climatériques très marqués ou une densité osseuse très basse. Avec les mesures répétées effectuées au cours de l’étude, les valeurs obtenues auront une très grande probabilité de se situer dans la moyenne de dispersion, ce qui veut dire qu’après des valeurs initiales élevées, les mesures subséquentes seront en moyenne plus basses; à l’inverse, après des valeurs initiales basses, les suivantes seront en moyenne plus élevées. L’amélioration clinique apparemment obtenue n’est donc l’expression que du hasard – sans témoin, l’effet réellement obtenu serait donc surestimé.

Effets placebo: des effets placebo notables ont été décrits pour certaines maladies, par exemple les dépressions, les douleurs ou les troubles digestifs fonctionnels. Sans groupe témoin comparatif, l’effet obtenu se composerait de la somme des effets du médicament et du placebo. Une étude publiée en 2001 dans le «New England Journal of Medicine» a été effectuée selon de telles études dans lesquelles les groupes témoins ont été à la fois un bras placebo et un bras sans traitement [5]. Surprise, il n’y a eu aucune différence significative en moyenne entre ces deux groupes. Il est donc possible que l’importance des effets placebo ait été surestimée pendant quelques dizaines d’années – elles étaient peut-être parfois aussi le reflet du phénomène de «regression to the mean».

Dans l’étude contrôlée, à savoir avec des témoins, les formes de biais citées plus haut ne peuvent pas être éliminées. Mais le biais doit être réparti le plus équitablement possible entre tous les groupes de traitement. L’effet réel d’une mesure médicale résulte donc de la différence des résultats entre bras traitement et bras témoin.


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MessageSujet: Re: Etude clinique contrôlée, randomisée, en double aveugle   Etude clinique contrôlée, randomisée, en double aveugle Icon_minitimeMer 27 Aoû - 14:56

Pourquoi randomisée?

La randomisation est une méthode d’attribution au hasard des patients aux groupes traitement et témoin. Ce qui permet d’obtenir la plus grande similitude possible entre les groupes pour tous les facteurs connus et inconnus ayant trait aux patients et susceptibles d’influencer le résultat d’une étude. La plupart des études procèdent à une randomisation totale: chaque patient a la même chance de recevoir le traitement A ou le traitement B [6]. Il est extrêmement important que la randomisation se fasse sans les médecins responsables de la sélection des patients et de leur incorporation dans l’étude. Il est indispensable que la randomisation soit masquée [7]. L’attribution à un traitement ne se fait au cas parcas que lorsqu’un patient apte à participer à l’étude a été identifié, et qu’il y consent. Où la nécessité de la randomisation se situe-t-elle? La randomisation a aussi pour but de prévenir un
éventuel biais. Car si le médecin procède à l’attribution à tel ou tel traitement, ou s’il le connaît, il y aura très probablement des différences entre les groupes en matière de variables démographiques ou cliniques.

– Le médecin d’étude pourrait par exemple sélectionner les patients dont il pense qu’ils profiteront mieux d’un certain traitement. Il se pourrait donc que des patients plus gravement malades que les autres reçoivent le traitement supposé le plus efficace.

– Il est également possible que certains patients soient mieux aptes à recevoir un certain traitement.
Il se pourrait par exemple que des patients supposés avoir une meilleure observance
reçoivent le traitement ayant les effets indésirables les plus marqués, pour réduire à
un minimum les exclusions de l’étude.
Ce type d’attribution dirigée à un traitement est appelé biais d’allocation aux traitements.
Il est donc important car des études insuffisamment randomisées, ou dont les médecins ne respectent pas suffisamment le secret de l’attribution aux traitements, simulent de meilleurs effets du traitement [8].
La suppression d’un biais d’allocation aux traitements et la composition de groupes comparables au hasard, par randomisation, sont donc des conditions essentielles à la réalisation de l’analyse statistique «probante».
Comment la prévention de ces biais par la randomisation se présente-t-elle en pratique? En principe, lancer les dés, ou tirer à pile ou face, respecte exactement les exigences d’une allocation au hasard des patients aux différents groupes de traitement. Actuellement, la séquence est généralement assistée par ordinateur, qui donne des chiffres (par exemple «1» pour le traitement A et «2» pour le traitement B).
L’attribution au hasard à tel ou tel traitement et sa transposition dans un schéma d’emballage et d’utilisation du traitement («boîte n° 3 pour le patient n° 1») doivent se faire par quelqu’un de l’extérieur, ce qui veut dire sans aucune relation avec le personnel directement impliqué dans l’étude.
Dans les études monocentriques, la pharmacie de l’hôpital peut tout à fait assumer cette tâche, et remettre les médicaments au médecin de l’étude patient par patient.
Dans les grandes études multicentriques, il y a souvent un office de randomisation central, qui dit par téléphone ou par fax au médecin (ou à la pharmacie de l’hôpital) quel traitement (déjà prêt) doit être distribué à quel patient, ce qui permet d’obtenir une incorporation de patients équilibrée dans tous les centres d’étude.
Pour empêcher un biais d’allocation aux traitements, la randomisation doit rester secrète pendant toute la phase de recrutement des patients. Il ne suffit donc pas que le médecin procède à l’allocation en suivant une liste préparée, car alors il saurait avant de recruter les prochains patients quels traitements leur sont destinés. Il pourrait sélectionner les patients de manière ciblée pour le traitement prévu. L’allocation alternante aux traitements («ABABAB …») est également interdite, car après levée de l’aveugle même d’un seul patient, le médecin d’étude connaîtrait toute la clé d’allocation. La distribution d’enveloppes contenant des indications bien concrètes (par ex. «le patient 1 reçoit le traitement A») est également sujette à corruption: car si le médecin n’ouvre pas les enveloppes l’une après l’autre, mais les ouvre toutes avant le début de l’étude, il connaît l’ordre d’allocation [9].
Deux autres termes sont importants dans la randomisation: la «formation de blocs» et la «stratification» [10]. Selon la randomisation, les patients sont attribués à leurs groupes par non pas en alternance, mais au hasard.
Ils ne sont donc pas toujours répartis équitablement, car après incorporation de 15 patients par exemple, 5 peuvent être dans le groupe A et 10 dans le groupe B. La formation de blocs, par exemple de 4 patients chacun, assure qu’une fois un bloc rempli, il y aura autant de patients dans les différents groupes de traitement (par ex. «ABAB», «AABB», «BAAB», ou «BABA» – à cause de la permutation de la séquence des traitements, nous parlons également de «formation de blocs permutants»).
Mais l’allocation purement au hasard des patients aux différents groupes est partiellement annulée (après «ABA» suit automatiquement «B», et après «AA» suit «BB»). Un éventuel biais de sélection des patients ne peut être évité que si l’étude est en double aveugle et si le médecin ne connaît pas le mécanisme de bloc. Il peut également y avoir plusieurs longueurs de blocs, distribués par randomisation au cours de l’étude. Ce qui permet de rendre impossible la «prévisibilité» du prochain traitement – ce qui pourrait arriver en aveugle partiel et avec une longueur de bloc connue.
Une stratification se fait pour que certaines caractéristiques ou variables susceptibles de fausser le résultat, ou importantes pour l’analyse de l’étude, soient réparties également entre les groupes. Cette stratification peut se faire en fonction des centres d’étude (dans les études multicentriques), du sexe ou de l’indication (précontre postménopausée, prétraité contre non traité, taille de la tumeur 9x cm contre >x cm). Pour y parvenir, plusieurs blocs de randomisation séparés sont généralement créés et les patients attribués par randomisation à une strate en fonction de la présence ou de l’absence d’une caractéristique. La stratification améliore l’effet de la randomisation. La randomisation en strates par centre d’étude en fonction du status du récepteur (positif/négatif) et de l’âge (9 ou >50 ans), pour ne donner qu’un exemple, signifie l’allocation randomisée à quatre sous-groupes par centre. Si une nouvelle strate vient s’y ajouter, cela en fera déjà huit par centre.
Nous voyons là qu’une stratification n’a de sens que s’il y a suffisamment de patients.
En plus de ce que nous venons de voir, il y a d’autres techniques de randomisation utilisées pour éviter tout déséquilibre entre les groupes, surtout dans les études sur des collectifs relativement peu nombreux. La probabilité de l’allocation d’un patient à tel ou tel groupe de traitement n’est plus la même qu’avec la randomisation totale, mais dépend à chaque fois des différences du moment entre les groupes, en ce qui concerne le nombre de patients ou la distribution de facteurs pronostiques préalablement définis. Nous avons déjà parlé des limites de l’allocation aux traitements faite au hasard dans la formation des blocs. Une autre technique plus souvent citée dans la littérature scientifique est la «minimisation» [11]. Cette alternative de randomisation et d’autres, qui ont des restrictions («restricted randomisation») feront peut-être l’objet d’un autre article de formation continue.


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MessageSujet: Re: Etude clinique contrôlée, randomisée, en double aveugle   Etude clinique contrôlée, randomisée, en double aveugle Icon_minitimeMer 27 Aoû - 14:57

Pourquoi en double aveugle?

Les deux termes cités dans littérature «en aveugle» et «masquage» sont synonymes (masquage à utiliser de préférence dans une étude ophtalmologique!). Nous ne parlerons ici que de l’aveugle.
L’aveugle consiste à garder secret pendant toute la durée de l’étude quel patient reçoit quel médicament. Dans une étude en simple aveugle, seul le patient ne connaît pas le traitement qui lui a été attribué, et dans une étude en double aveugle ce sont les patients, les médecins et très souvent ceux qui analysent les résultats cliniques et les statisticiens, qui sont eux aussi en aveugle (pour être sémantiquement correct, il faudrait parler de «triple» ou «quadruple aveugle»). Cela montre déjà bien que le principe de l’étude en aveugle doit être conservé jusqu’à la fin des analyses des données, et non pas levé à la fin du dernier traitement déjà. L’étude en aveugle ne doit pas être confondue avec randomisation masquée; cette dernière sert à éviter un biais d’allocation aux traitements et atteint son objectif dès que tous les patients ont été incorporés dans l’étude. L’étude en aveugle par contre conserve cette allocation masquée jusqu’à la fin. Il va de soi que la randomisation masquée est la condition sine qua non de l’étude en aveugle. Une étude en aveugle est le plus souvent choisie dans le cadre d’interventions pharmacologiques. Il y a pour ce faire plusieurs possibilités techniques [12].
Dans une étude contrôle contre placebo, le groupe témoin reçoit un placebo en tout point identique au médicament contenant le principe actif, aspect, couleur, poids et goût. Il est possible que le placebo contienne aussi une substance pharmacologiquement active, qui a des effets indésirables comparables à ceux du médicament d’étude. Si deux médicaments actifs sont comparés, ils peuvent être mis dans des capsules parfaitement identiques. Mais cela n’est pas toujours techniquement possible, par exemple lorsque les originaux sont trop grands pour être encapsulés. Cette manière de faire est également sujette à la levée de l’aveugle, si (in)volontairement la capsule est ouverte. Il y a pour cela la technique dite «double dummy» qui consiste à fabriquer des placebos pour chaque médicament; pour assurer l’aveugle, le patient reçoit donc à chaque fois un médicament contenant la substance active et le placebo du médicament témoin. La technique de «double dummy» est également utilisée pour étudier différentes formes d’administration; dans certaines situations, par exemple lors d’une comparaison entre deux formes orales et une injection intramusculaire d’un médicament, cette technique est éthiquement sujette à caution (injections i.m. d’un placebo). Au lieu de cela, une tierce personne indépendante pourrait administrer le traitement sans que le personnel suivant directement le patient et analysant les données connaisse l’allocation aux traitements, ce qui est une méthode plus compliquée à organiser, qui n’est par ailleurs pas dépourvue de tout risque de levée de l’aveugle.
L’aveugle ne commence cependant pas lors de la préparation et de l’administration de chaque médicament, mais déjà lors de l’emballage du médicament d’étude. Toutes les boîtes, tous les flacons ou autres récipients doivent être absolument identiques, sauf pour le code ou le numéro d’identification.
Il faut en tout cas éviter que les médicaments ne soient dans des emballages différents pour les traitements A et B en fonction des groupes. La levée de l’aveugle pour un seul patient implique celle de toute l’étude. Raison pour laquelle en général les emballages ne sont faits que pour les patients et portent un système numérique d’identification, faisant qu’il est impossible au médecin de savoir quel médicament est attribué à quel groupe d’étude.
Pourquoi déployer tous ces efforts avec l’aveugle, ce qui rend une étude encore plus complexe qu’elle ne l’est déjà?
Il s’agit ici aussi d’éviter plusieurs formes de biais. Les erreurs systématiques importantes à cet égard le sont d’autant plus que les facteurs subjectifs intervenant sur les résultats sont nombreux [13].
Si un patient sait s’il reçoit ou non un traitement efficace, il réagira très probablement différemment.
Les facteurs subjectifs ne concernent cependant pas que les patients, mais aussi les médecins d’étude et ceux qui analysent les données. C’est pour cette raison qu’il faut généralement un double aveugle.
Car tout comme pour la randomisation, les études non ou pas assez en aveugle ont des effets thérapeutiques en moyenne plus marqués que les études en double aveugle [8].
Quelles formes de biais jouent ici un rôle et doivent être évitées par un double aveugle?

Biais de traitement: un biais de traitement se produit si une prise en charge ou des mesures médicales supplémentaires particulières bénéficient à un groupe de traitement [14].
Les patients du groupe placebo reçoivent parfois un traitement de soutien en toute connaissance de cause.
Ou alors ceux qui obtiennent le traitement favorisé par le médecin d’étude sont mieux pris en charge.
L’allocation plus soigneuse ou intensive des patients dans un groupe peut avoir à elle seule des effets suggestifs, si le fait que le médecin croit à l’efficacité du traitement est transmis directement aux patients.

«Attrition bias» [14]: la décision du médecin de terminer l’étude chez un patient en raison de l’aggravation de son état clinique ou d’effets indésirables peut être différente s’il en connaît ou non le traitement. Pour les patients qui voudraient s’exclure de l’étude ou qui ne viennent plus aux consultations, le médecin essaiera peut-être de les convaincre de poursuivre l’étude de manière différente s’il connaît leur traitement ou pas.
Ce biais est important, car les collectifs de patients peuvent être très différents au terme de l’étude.
Les «drop outs» ne sont pas représentatifs du collectif global de la même manière, car ils présentent souvent d’autres caractéristiques que les patients restant dans l’étude.
Ils faussent donc eux aussi les résultats.

«Assessment bias»: si le médecin est convaincu de l’(in)efficacité d’un traitement, sa technique d’interview pour enregistrer ou évaluer les symptômes subjectifs du patient pourrait s’en trouver influencée, par exemple dans la description de l’intensité des douleurs ou la documentation des effets indésirables. Mais la description de l’état clinique, le calcul des scores et la classification par stades pourraient aussi se faire différemment si le traitement est connu.
Même les clichés échographiques ou radiographiques peuvent être interprétés de différentes manières, ce qui
n’est pas nécessairement intentionnel, mais peut être inconscient en fonction des connaissances
générales, des résultats personnels, de la plausibilité ou de l’absence de logique des données obtenues [15].
Un exemple le démontre bien: une étude contrôlée contre placebo a porté sur l’efficacité du cyclophosphamide et d’une plasmaphérèse chez des patients souffrant de sclérose en plaques.
L’état clinique des patients a été jugé en aveugle et en ouvert. Alors que, selon l’estimation des neurologues «ouverts», il y a eu une amélioration, ce ne fut pas le cas dans l’estimation en aveugle [16].
La décision d’inclure dans l’analyse les patients n’ayant pas respecté le protocole d’étude peut elle aussi dépendre du fait que le traitement soit connu ou non.


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MessageSujet: Re: Etude clinique contrôlée, randomisée, en double aveugle   Etude clinique contrôlée, randomisée, en double aveugle Icon_minitimeMer 27 Aoû - 14:59

Limites de l’étude randomisée, en double aveugle et contrôlée

Il n’est pas toujours possible d’effectuer une étude randomisée, en double aveugle et contrôlée:
de nouveaux traitements sont souvent administrés sans témoins, dans un premier temps, à
des patients ayant des cancers à un stade avancé; une randomisation n’est pas possible dans les
études épidémiologiques, tout comme l’aveugle dans la comparaison de traitements pharmacologiques
et d’interventions chirurgicales. De très rares études décrivent en détail le mode de randomisation,
et si elle a été efficace, de même que l’aveugle [17, 18]. La randomisation n’est de même pas une garantie que les groupes de traitement soient identiques. Les études dans lesquelles deux techniques chirurgicales différentes ont été utilisées par le même chirurgien sont critiquées, car il ne maîtrise souvent pas aussi bien l’une que l’autre. Une solution pourrait être que les patients soient attribués à un expert de la technique A et à un autre expert de
la technique B («expertise based randomised controlled trial») [19].
L’étude randomisée et contrôlée est en outre elle aussi sujette à d’autres formes de biais: il s’agit de la validité externe, ou représentativité des résultats. Pour avoir une grande homogénéité du collectif, il faut parfois exclure d’emblée jusqu’à 90% des candidats potentiels (biais de sélection des patients) [20].
Il est donc parfois douteux que de tels résultats soient transposables au collectif global. Dans les études cliniques, les insuffisants cardiaques sont en moyenne plus jeunes et ce sont surtout des hommes; ils ont moins de maladies concomitantes et beaucoup plus souvent une dysfonction systolique isolée, car l’admission dans l’étude est fonction de la fraction d’éjection.
La concentration sur certains centres spécialisés, qui garantissent un traitement et un monitoring
de haut niveau, peut elle aussi fausser les résultats d’une étude (biais de sélection des centres).
Plusieurs études randomisées et contrôlées surestiment donc nettement l’effet d’un traitement
par rapport au «monde réel» [21].

Conclusion

Par rapport à d’autres formes d’étude, l’étude randomisée, en double aveugle et contrôlée est, malgré ses limites, le standard méthodologique le plus élevé. Elle implique l’objectivité la plus grande, est la moins sensible aux biais et considérée à juste titre comme «gold standard» dans le développement des médicaments et l’évaluation basée sur des preuves de mesures médicales.
L’étude randomisée, en double aveugle et contrôlée est un facteur capital de la conservation de la crédibilité de la recherche clinique.



Correspondance:
Dr Peter Kleist
PFC Pharma Focus AG
Chriesbaumstrasse 2
CH-8604 Volketswil
peter.kleist@pfc.ch

Références

1 Delgado-Rodriguez M, Llorca J. Bias. J Epidemiol Community Health 2004;58:635–41.

2 Sacks H, Chalmers TC, Smith H. Randomised versus historical controls for clinical trials. Am J Med 1982;72:233–40.

3 The James Lind Library. Why comparisons are essential [essay]. www.jameslindlibrary.org/essays/comparisons/ comparison.html.

4 Morton V, Torgerson DJ. Effect of regression to the mean on decision making in health care. BMJ 2003;326:1083–4.

5 Hrobjartsson A, Gotzsche PC. Is the placebo powerless? An analysis of clinical trials comparing placebo with no treatment. NEJM 2001;344:1594–602.

6 Altman DG, Bland JM. Treatment allocation in controlled trials: why randomise? BMJ 1999;318:1209.

7 Altman DG, Schulz KF. Concealing treatment allocation in randomised trials. BMJ 2001;323:446–7.

8 Schulz KF, Chalmers I, Hayes R, Altman DG. Empirical evidence of bias. Dimensions of methodological quality
associated with estimates of treatment effects in controlled trials. JAMA 1995;273:408–12.

9 Schulz KF. Subverting randomisation in controlled trials. JAMA 1995;274:1456–8.

10 Altman DG, Bland JM. How to randomise. BMJ 1999;319: 703–4.

11 Altman DG, Bland JM. Treatment allocation by minimisation. BMJ 2005;330:843.

12 Schulz KF, Grimes DA. Blinding in randomised trials. Hiding who got what. Lancet 2002;359:696–700.

13 Day SJ, Altman DG. Blinding in clinical trials and other studies. BMJ 2000;321:504.

14 Jüni P, Altman DG, Egger M. Systematic reviews in health care. Assessing the quality of controlled clinical trials. BMJ 2001;323:42–6.

15 Kaptchuk TJ. Effect of interpretive bias on research evidence. BMJ 2003;326:1453–5.

16 Noseworthy JH, Ebers GC, Vandervoort MK, Farquhar RE, Yetisir E, Roberts R. The impact of blinding on the results of a randomised, placebo-controlled multiple sclerosis clinical trial. Neurology 1994;44:16–20.

17 Bang H, Ni L, Davis CE. Assessment of blinding in clinical trials. Contr Clin Trials 2004;25:143–56.

18 Altman DG, Schulz KF, Moher D, Egger M, Davidoff F, Elbourne D, et al. The revised CONSORT statement for reporting randomized trials:explanation and elaboration. Ann Intern Med 2001;134:663–94.

19 Devereaux PJ, Bhandari M, Clarke M, Montori VM, Cook DJ, Yusuf S, et al. Need for expertise based randomised controlled trials. BMJ 2005;330:88–92.

20 Britton A, McKee M, Black N, McPherson K, Sanderson C, Bain C. Threats to applicability of randomised trials. Exclusions and selective participation. J Health Serv Res Policy 1999;4:112–21.

21 Kennedy HL. The importance of randomised clinical trials and evidence-based medicine:a clinician’s perspective. Clin Cardiol 1999;22:6–12.
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